Boogie Nights (1997)

reviewed by
Philippe de Saussure


BOOGIE NIGHTS
USA 1997, mise en scène Paul T Anderson.

"Les années 70 en Amérique, encore elles ?" Il fallait des idées pour reprendre le sujet : Paul Anderson en a eu, et beaucoup ! Dans cette longue saga californienne vous verrez un jeune mec sorti trop tôt du lycée (Mark Wahlberg, "Dirk Diggler"), qui entre dans l'univers du film porno, sous l'aile d'un père adoptif-réalisateur de cul (Burt Reynolds). Ses débuts, ses amours, son ascension, sa chute...

Les personnages ont de l'appétit; le réalisateur, de la gourmandise ! Il nous emmène dans une West-Coast de 1977 qui fait revivre tout naturellement les maillots de bain, les chemises, les hanches, les démarches... et le cheap omniprésent des temps du disco. Comme son double Burt Reynolds, Anderson (derrière la caméra) semble garder d'un bout à l'autre un petit sourire au coin des lèvres. Il nous dit "Tiens, regarde !" et hop ! nous place à l'oeilleton de sa 32mm, ou carrément dans la salle (vous apprécierez la texture de l'image lorsqu'on est "au cinéma dans le film"). Boogie Nights est l'histoire bouffonne de plusieurs regards, et aussi un petit témoignage sur l'effet des transitions techniques (ici, le remplacement du film celluloïd par la vidéo, au début des années 80).

Pourquoi le porno ? Parceque c'est un sous-cinéma, c'est à dire un univers miniature. Grâce à sa super-queue, Dick devient une vraie sous-star, obtient des succès de sous-critique, gagne des sous-Oscars, croit en son super-talent... Et on le comprend tellement bien ! Le message du film est là. Tout sérieux momentanément oublié, ne sommes-nous pas tous des "sous-quelque chose" ? Attention, pas d'erreur, Boogie Nights n'est pas un film porno ! Le fameux zizi, Anderson vous le montrera une fois, mais il choisira son moment !

Après la gloire, le succès de Dirk fléchit. Les films doivent être plus racoleurs, deviennent violents. Brouillé avec son mentor, le héros sombre lentement (dèche, délinquance). Malgré des moments inspirés, la prise de vue et le scénario de Boogie Nights se relâchent. Alors que l'histoire roule de plus en plus vite vers une fin lugubre, Anderson reprend toutes les ficelles des personnages qui divergeaient, les noue en un paquet-cadeau inattendu, et concocte une sorte de happy end provisoire et un peu décevant. Sincère volonté d'éviter une conclusion pessimiste ? Ou exigence des producteurs ? Malgré ces défauts, l'ensemble garde une exceptionnelle densité humaine et esthétique.

Je vous ai mis l'eau à la bouche ? Ma recommandation : allez-y. Votre voisin vous prendra pour un cochon. Sortie prévue en France le 18 mars 1998.

Philippe de Saussure - Boston - Merci de m'envoyer vos impressions !


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